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En Tunisie, les pompes de carburant craignent les guerres

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Cela fait plus de 21 mois que l'entité colonisatrice israélienne perpétue un génocide à Gaza, et continue de semer la guerre dans les pays de la région en complète violation du droit international. 

Le 22 juin 2025, après des menaces Américaines, le parlement Iranien vote la fermeture du détroit d’Ormuz, principal moyen d’acheminement du pétrole brut produit dans la région (soit 20% de la production mondiale de pétrole)1. Cette décision n’était pas sans conséquence sur les marchés pétroliers qui se sont affolés faisant planer le spectre d’une hausse des prix du pétrole jusqu’au cessez le feu décrété plus tard. Elle rappelle également la vulnérabilité des pays, comme la Tunisie, qui dépendent des marchés internationaux pour assurer leur sécurité énergétique. 

 

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Une dépendance accrue à l’importation en pétrole brut 

En 2024, la production intérieure Tunisienne en pétrole ne couvrait que 36% de la demande annuelle en produits pétroliers2. Une importante quantité de pétrole est, en effet, importé principalement d’Azerbaidjan (1960 Millions de dinars) à plus de 99,9% des importations de pétrole brut3 en 2024 et une faible proportion de Lybie4.  

La Tunisie reste donc fortement dépendante à l’importation de pétrole brut. Elle peut donc être sujette à des arbitrages en termes de livraison de pétrole brut, à des retards d’approvisionnement et voire même à des hausses des coûts. 

 

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Le budget de l’Etat sous la menace de la volatilité des marchés pétroliers et des chocs exogènes 

Dans la loi de finance de 2025, l’Etat Tunisien a proposé un budget basé sur une hypothèse de prix du baril à 77,6$. Les prévisions des organismes de référence (Avril 2025) tel que la Banque Mondiale ou l’Agence Internationale de l’Energie ou les prévisions issues du marché (Futures) tablaient respectivement sur un prix du Brent5 de 64, 68 et 66 $/baril et restent en dessous des estimations de l’Etat Tunisien. Cependant ces prix ne prennent pas en compte l’impact des récentes tensions géopolitiques impliquant des pays de l’OPEP6. Il est à rappeler que les marchés se sont envolés rien qu’à l’annonce de la fermeture du détroit par l’Iran et les estimations de la direction du trésor du ministère de l’Economie Français7 prévoyaient un impact significatif sur les prix du baril de Brent atteignant les 110 à 150 $ et selon les experts de la Deutsche Bank, une fermeture du détroit pendant deux mois pouvait pousser les prix à plus de 120 $. Ainsi, si le pire des scénarios s’était concrétisé, les conséquences sur les finances de l’Etat Tunisien auraient été très lourdes8. 

 

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Les subventions énergétiques bouclier contre les crises partout dans le monde ! 

La question qui nous taraude : qui aurait payé la facture ? Est-ce que le citoyen aurait  subi de plein fouet les répercussions de ses chocs extérieurs ? et quel rôle des subventions dans l’absorption des chocs, la protection du pouvoir d’achat et la garantie de l’égalité d’accès à l’énergie. 

Comme présenté dans une étude de l’OTE9, l’Etat a déjà eu recours à des manœuvres d’« Ajustement des prix»10 ou de hausse des prix des carburants entre 2020 et 2022. Cela a été d’autant plus important en 2022 (coïncidant avec la guerre en Ukraine) où les prix à la pompe ont été augmenté à 4 reprises atteignant une augmentation totale effective de 15,9%. Cette politique a été constatée à la suite, des pressions exercées par le FMI sur la Tunisie pour lever les subventions sur les carburants et corréler le prix des carburant à celui des cours mondiaux du pétrole brut. 

Ce sont ces mêmes subventions qui ont permis de réduire partiellement l’effet des augmentations et protéger les ménages modestes à pauvres des variations des prix internationaux. C’est donc dans ses situations de crise que l’on apprécie l’important rôle des subventions énergétiques.  

Ces subventions énergétiques ne sont pas une exception Tunisienne. Il est important de préciser que plusieurs pays Européens après l’instauration de politique de réductions des subventions des énergies fossiles ont fait machine arrière en doublant11, en 2022, les subventions directes passant de 0,4% à 0,9% du PIB Européens. Seuls 6 membres de l’UE sur les 27 ont exprimé leur intention de supprimer ces subventions des budgets nationaux sans date précise. Ceci contraste drastiquement avec les discours tenus et les conditions imposés par ses mêmes pays et le FMI à la Tunisie. 

 

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Envisager une stratégie d’indépendance énergétique vis-à-vis des produits pétroliers 

Les chocs successifs, mettent à nouveau la lumière sur les dysfonctionnements et dangers des réformes de libéralisation des prix encouragés fortement par les institutions financières internationales. 

Ceci suggère un changement de paradigme et la mise en place d’une stratégie dont la ligne directrice se base sur une indépendance énergétique en 3 axes : 

  1. La nécessite de la reprise de la production nationale à travers de nouveaux contrats d’exploration et d’exploitation12. Elle devra être, également, accompagnée par une révision du code des hydrocarbures et des contrats en place ou en fin de vie afin de les renégocier selon une stratégie de l’Etat qui prônerait la souveraineté énergétique. 

 

  1. Considérant que les produits pétroliers représentent le plus gros fardeau et coût énergétique supporté par l’Etat, la STIR en tant qu’institution publique stratégique devrait faire l’objet de plus d’attention et concentrer plus de moyens financiers et humains. Ceci afin de renforcer la production d’hydrocarbures et réduire les importations de produits finis.  Il est à rappeler qu’en 2024, la STIR n’a produit que 25% des besoins en produits pétroliers du pays et ce taux de couverture chute à 11% si l’on ne considère que la production destinée au marché local. On notera également lors de la même année un arrêt total de l’unité de platforming pour la production d’essence sans plomb. Ceci vient renforcer les besoins stratégiques d’investissement dans la STIR et le raffinage du pétrole et l’inscrire dans le plan de développement 2026-2030. 

 

  1. La construction d’une stratégie de transition vers une mobilité « verte » est primordiale pour réduire la consommation de produits pétroliers. Ceci passe aussi bien par le renforcement des transports publics qui permettent de réduire l’usage des véhicules personnelles mais également, par la définition d’orientations stratégiques en termes de véhicules à propulsion alternative qui soient abordables et pour lesquels on mettrait à disposition les infrastructures de recharge nécessaires. 

 

1 Décision finale attendue en Iran sur une fermeture du détroit d’Ormuz, (La Presse d’après TAP, 22/06/2025, consulté le 09/07/2025)     

2 Rapport sur la « Conjoncture énergétique » , page 5, (Ministère de l’industrie, des mines et de l’énergie-Observatoire National de l’énergies et des minesDécembre 2024, consulté le 27/06/2025)  

3 Base de données des échanges commerciaux par produit et pays, (INS, consulté le 28/06/2025) 

4 Depuis 2011, la Tunisie est passé d’une importation exclusive de pétrole brut à partir de la Lybie vers l’Azerbaidjan (quelques autres pays peuvent apparaitre comme fournisseur selon les années tel que la Russie, les Emirat Arabe Unis, ou le Nigéria). 

5 Commodity markets outlook, page 4, (World Bank, April 2025, consulté le 08/07/2025)  

6 OPEP: Organisation des pays exportateurs de pétrole 

7 La Guerre Détroit aura-t-elle lieu ? Ormuz, talon d’Achille du marché des hydrocarbures, (DG Trésor, 20/06/2025, visité le 08/07/2025)   

8 Fermeture du détroit d’Ormuz : quels impacts pour l’économie mondiale et la Tunisie ? , (Direct info, 23/06/2025, consulté le 09/07/2025)     

9 Surprise à la pompe : la hausse des prix des hydrocarbures, (Ben Sik Ali A. , Trigui N,2022, Observatoire Tunisien de l’Economie)  

10 Prix et marges des produits pétroliers(Ministère de l’industrie, des mines et de l’énergie, consulté le 08/07/2025)        

11EU fossil fuel subsidies on the rise again, (Climate Action Network Europe (CAN), 07/06/2024, consulté le 09/07/2025)      

12 La Tunisie signe un contrat “mine d’or” avec l’Arabie saoudite, (Managers, 26/02/2025, consulté le 29/06/2025)