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Tunisie - Code de l’investissement : Les enjeux de son retrait de l’ANC

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  • Soumis pour adoption, en janvier 2014, à l’Assemblée nationale constituante (ANC), le nouveau code d’investissement tant attendu par les investisseurs locaux et étrangers, et surtout par les bailleurs de fonds (Banque mondiale…), vient d’être retiré par le gouvernement Mehdi Jomaa. Des lobbies auraient pesé de tout leur poids pour faire retirer ce code qui a suscité, du reste, beaucoup de polémique.

  • Officiellement, le ministre de l’Economie et des Finances, Hakim Ben Hamouda, a expliqué vaguement à l’agence TAP que ce retrait par «la décision du gouvernement de revoir le projet et de charger de son élaboration définitive le prochain gouvernement» qui sera formé, en principe, dans huit mois, au plus tard.

    En attendant, toujours selon le ministre, «le gouvernement se contentera, en 2014, de mettre en application des mesures visant à redynamiser l’investissement, à suspendre ou à réadapter les lois qui entravent l’investissement et réduisent l’efficacité de l’administration».

    Code anticonstitutionnel et apatride

    Reconnaissons d’emblée que ce code, dont l’élaboration a duré plus de deux ans, n’a jamais bénéficié de bonne presse dans la mesure où le think tank tunisien n’a pas été mis à contribution pour sa rédaction.

    Il lui est particulièrement reproché de consacrer la dépendance du pays vis-à-vis des investisseurs étrangers et d’être, surtout, en contradiction avec certains articles de la Constitution, particulièrement de l’article 13 qui stipule: «les ressources naturelles sont la propriété du peuple tunisien…».

    Conséquence: les étrangers ne peuvent pas s’approprier, entre autres, des terres agricoles alors que l’article 8 du projet du code retiré le tolérait. Idem pour l’article 6 du même code lequel prévoit «la possibilité pour les étrangers d’acquérir des terrains dans les zones logistiques (ports, aéroports…) sans autorisation administrative préalable nécessaire».

    Dans son rapport sur sur les amendements au projet de nouveau code d’investissement, l’Observatoire tunisien de l’économie voit, dans l’appropriation de ces lieux de souveraineté par des étrangers, un risque pour la souveraineté et sécurité nationales en cas de conflits armés.

    Pour comprendre cette phobie de l’étranger, rappelons que la Tunisie avait beaucoup pâti de la cession à prix dérisoires des terres agricoles à des colons, lors de la période coloniale, pour les leur racheter au prix fort après l’indépendance (nationalisation des terres en 1962). Le gouvernement de l’époque avait dû contracter un crédit pour payer les colons.

    Il faut dire également qu’au regard des nationalités et de l’idéologie des institutions qui ont contribué à son élaboration et à son financement, ce code ne peut que servir les étrangers, qu’ils soient investisseurs ou stratèges travaillés par d’autres intérêts géostratégiques.

    Est-il besoin de rappeler que le département américain du commerce a été chargé du benchmarking entre les codes d’investissement de pays comparateurs comme la Malaisie, Turquie, Singapour, Jordanie et Maroc; la Banque européenne d’investissement (BEI) a étudié le rapport compétitivité-emploi; l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a eu à évaluer le rendement des incitations, la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (CNUCED) a étudié l’intégration socioéconomique de l’investissement; et enfin, l’International financial corporation (IFC, ex-SFI) a payé les experts qui ont contribué à l’élaboration de ce code.

    Ainsi, le nouveau code, qui constitue le deuxième évènement de la révolution après la Constitution, a été concocté par des étrangers qui se réclament en plus de l’ultralibéralisme, c'est-à-dire de ce même mode de développement qui a poussé les Tunisiens à descendre dans la rue et à se révolter.

    Mohamed Chawki Abid, économiste, a déclaré à ce propos: «Moralité de l'histoire: le gouvernement nahdhaoui a marginalisé nos compétences (experts, universitaires, patronat, syndicat,....) et préféré se jeter dans les bras des impérialistes financiers pour produire un Nouveau Code, qui ne peut logiquement arranger en premier lieu que les intérêts de son auteur».

    Le code muet sur l’ouverture de nouveaux secteurs à la concurrence

    Quant au patronat, il estime que le code est flou et très vague sur deux de ses objectifs majeurs: le développement régional et la création d’emplois lesquels ne font pas, d’après lui, de stratégies précises et bien claires. Pour lui, l’accent est mis beaucoup plus sur les avantages fiscaux et financiers que sur les conditions à réunir pour améliorer l’environnement de l’investissement à l’intérieur du pays (infrastructure, TIC, cadre juridique indépendant, administration efficace…).

    Le patronat conçoit ici l’incitation à l’investissement non pas comme une dépense mais comme un investissement destiné à améliorer l’environnement des entreprises.

    Il reproche aussi au nouveau code de rester muet sur l’ouverture de nouvelles niches de production à la concurrence et le maintien de certaines situations de monopole, particulièrement dans l’agroalimentaire (alcools, bières…).

    Autre grief formulé par le patronat: la soumission, dans ce projet de code, des sociétés off shore à l'impôt sur le bénéfice au taux de 10% dès leur première année d'activité. Il propose de s’inspirer de l’expertise marocaine en la matière qui taxe les points francs à partir de la sixième année de leur activité.

    Et pour ne rien oublier, au niveau institutionnel, le projet de créer une Instance nationale de l'investissement (INI) ne serait pas du goût du patronat. Pour certains patrons, elle rappelle le sinistre Conseil supérieur de l’investissement où les projets sont octroyés selon la tête du client et non sur la viabilité des projets.

    En ce qui nous concerne, nous estimons que le retrait du code va à l’encontre de l’amélioration de la visibilité de l’environnement des affaires en Tunisie et risque surtout de heurter les bailleurs de fonds comme la Banque mondiale qui a toujours conditionné l’octroi de crédits à l’exécution de réformes structurelles dont le Code d’investissement.